pascale criton
Ici, la ritournelle - ligne constituée par les harmoniques-, et le galop - jeu instrumental pulsé et soutenu-, sont emportés dans des transformations continues au seuil de la perception.
Cette pièce à été écrite en hommage au philosophe Gilles Deleuze (lors de sa disparition en novembre 1995), qui développe dans Mille Plateaux l'idée de "ritournelles" et de leur "déterritorialisation".
Les trois instruments solistes se tiennent dans un registre grave et se croisent sur une zone d'influence réciproque dans laquelle l'harmonie, les dynamiques et les timbres deviennent indiscernables et tendent vers de pures vitesses et de pures matières.
Cette indiscernabilité est provoquée par les croisements de tessitures, de timbres et de tempéraments.
Leurs différences expressives sont marquées par des modes de jeu et surtout par la sensibilité très particulière de la guitare accordée en 1/16e de ton. Cet accord, que l’on entend pour la première fois à la guitare, renouvelle les relations instrumentales : modification du temps de résonance, passage imperceptible du son bruité au son voisé, masquage des timbres.
L'univers microtempéré me permet d’entraîner la perception par delà ses habitudes, de pénétrer dans les variations infimes du temps et du mouvement, d'exprimer des sensations de mutation.
Plusieurs niveaux concourent à cet effet de mouvement fluctuant :
- Des variations de timbres se prolongent les unes aux autres et transitent des caractéristiques du piano à une multiplicité spectrale en parenté avec des cloches et des cordes frappées (réalisées par synthèse numérique).
- Une sensation de hauteurs multiples est entretenue par le piano, accordé selon une échelle irrégulière en quarts de tons, auquel se superposent les sonorités de synthèse conçues selon des tempéraments microvariables.
Ces infimes variations de spectres, de timbres et de hauteurs s'entrecroisent dans la structuration harmonique et dans la fluctuation des résonances, créant une sensation de mobilité dans la sonorité.